Politique des (in)hospitalités
Us, abus et refus de l’accueil
L’accroissement des mobilités et la différenciation des formes migratoires ont mis à mal les politiques d’intégration des villes européennes et invitent à penser, en amont, des politiques d’accueil à l’égard des personnes nouvellement venues en situation de précarité. Pour questionner les contours de ces politiques, ce séminaire propose de considérer de manière symétrique les pratiques d’hospitalité autant que d’inhospitalité. Qu’elles soient interpersonnelles, institutionnelles et politiques, celles-ci peuvent se révéler tant émancipatrices qu’abusives. Au fil des séances, nous interrogerons différents espaces et dispositifs (logement, infrastructures d’accueil, espaces publics et privés…) dans lesquels se jouent la possibilité d’une politique d’hospitalité permettant à chacune et chacun de prendre place dans la ville.
Coorganisé par le LASUR (EPFL) et le Metrolab Brussels, ce séminaire, nous fera à chaque fois circuler entre Bruxelles et Genève, deux villes au statut international confrontées différemment aux enjeux de l’accueil, en faisant intervenir systématiquement des acteurs engagés sur ces questions.
Les séances se tiendront mensuellement le mardi de 17h à 19h en vidéoconférence.
Lien zoom pour suivre le séminaire:
https://epfl.zoom.us/j/89156075011?pwd=bTBLWFhoYVBZNjA0M2p1ZHpUWG51QT09
Code: 822711
séance #1. Introduction: Enjeux théoriques et pratiques d'une politiques des (in)hospitalités | 9 mars 2021
La séance introductive sera consacrée à la présentation du séminaire et des thématiques qui y seront traitées par les organisateurs. Elle reviendra sur l'approche de l’hospitalité qui y sera développée, et sur les enjeux d’une politique urbaine des (in)hospitalités. Seront abordées les entrées à partir desquelles la comparaison entre Bruxelles et Genève est menée, ainsi que les projets de recherche que nous y conduisons. Audran Aulanier (CEMS/EHESS) y sera le discutant.
séance #2. De l’hospitalité privée aux marchands de sommeil | 23 mars 2021
Une des formes historique de l’hospitalité est celle de l’accueil “chez soi”. Cette forme a pris une nouvelle actualité; d’un côté elle devient un dispositif d’aide sociale (organisé associativement ou administrativement) répondant au manque d’infrastructures d’accueil, alors que de l’autre côté se multiplient les “marchands de sommeil”. Pour sortir d’une opposition trop rigide, cette séance propose de parcourir un continuum qui va de l’idéal de l’hospitalité « pure » ou « inconditionnelle » (Stavo-Debauge 2017) jusqu’au cas-type du «marchand de sommeil ». Seront soulevées les difficultés rencontrées par les hébergés et les exigences instituées par les hébergeurs, les limites et conditions à l’usage du logement prêté ou loué, les glissements de l’aide gracieuse vers l’abus caractérisé, etc.
séance #3. L'habitat inhabitable | 20 avril 2021
Le lien qui se tisse entre le.a nouvel.le arrivant.e, l’environnement bâti et la place diffèrent sensiblement dans un abri temporaire ou dans un habitat où l'on construit son "chez-soi". Rien n’y est fait pour qu’il.elle s’approprie et s’attache à l’espace ou que son intimité y soit préservée. Pensés de manière fonctionnaliste pour assurer le minimum vital – dormir, manger –, les hébergements d’urgence et les centres de demandeurs d’asile se transforment pour autant, par le temps et le défaut d’alternative, en habitats pour ceux qui les fréquentent. L’inhabitabilité des lieux – dortoirs partagés, lieux non-prédestinés pour être habités, insalubres, sous-terrains, relégués en zone périphérique ou hors d'un contexte socialisant – est à mettre en parallèle à la temporalité parfois très longue de l’occupation et les règles qui y sont à l'oeuvre : interdictions en tout genre, restriction dans les mouvements, couvre-feu, horaires fixes. Pris dans cette contradiction d’habitats qui n’ont pas vocation à le devenir, les objets présentés dans le séminaire interrogent l’(in)hospitalité des lieux, leurs dispositifs et leurs quotidiens. Il s'agit aussi de questionner l’habiter dans ses fonctions (non-)élémentaires à savoir celles de répondre aux besoins d'intimité, de sécurité ou d'avoir un espace où être libre de ses mouvements et de ses gestes – qui s'avèrent d'autant plus essentiels pour des personnes qui demandent refuge.
En prévision du séminaire, nous vous invitons à regarder les films des invités exceptionnellement disponibles en accès libre aux liens suivants :
- Habiter le monde d'Hamedine Kane (14min46)
- Bunkers d'Anne-Claire Adet (14min04)
Et pour son approfondissement, voici deux articles liés à l'intervention de Marc Breviglieri :
- « Le « corps empêché » de l’usager (mutisme, fébrilité, épuisement). Aux limites d’une politique du consentement informé dans le travail social »
- « L’espace habité que réclame l’assurance intime de pouvoir. Un essai d’approfondissement sociologique de l’anthropologie capacitaire de Paul Ricoeur »
séance #4. Des espaces publics aux problèmes publics
Dans un contexte de manque d'infrastructures d’accueil pour les migrants, on observe dans différentes villes européennes que ces derniers tendent à occuper certains espaces publics urbains. Par conséquent, ces espaces deviennent des lieux centraux où se jouent les pratiques et les politiques d’hospitalité. Tel est le cas du parc Maximilien à Bruxelles, où la présence massive de migrants est manifeste, et où les enjeux d’hospitalité gagnent dès lors en visibilité. A l’inverse à Genève, la présence des migrants est moins perceptible dans les espaces publics ; afin de conduire à une prise en compte et en charge politique des enjeux d’hospitalité, des opérations de visibilisation dans l’espace public sont ainsi mises en place, avec plus ou moins de succès. Quelles sont les qualités et les pratiques d’hospitalité que l’on peut observer dans ces espaces, comment les migrants en font-ils l’expérience ?
séance #5. Hospitalités ambiguës de la ville créative
Il n’est pas rare que les lieux culturels cherchent à promouvoir des pratiques d’hospitalité, cherchent à s’ouvrir aux publics fragilisés, notamment aux migrants. Ces initiatives sont néanmoins souvent empruntes d’ambiguïté dès lors que la valorisation économique des pratiques culturelles, propre au modèle de la « ville créative », induit par ailleurs des processus d’inhospitalité urbaine (renchérissement des loyers, esthétisation gentrifiante, diversité policée, etc.). Comment les nouveaux lieux culturels urbains parviennent-ils à inclure une dimension sociale et solidaire ? Comment les acteurs engagés dans ces lieux articulent pratiques culturelles et pratiques d’hospitalité ? Comment tiennent-ils compte des processus d’inhospitalité ou des formes d’instrumentalisation des projets sociaux auxquels peut tendre la ville créative ? Pour discuter de ces questions, deux associations, qui cherchent l’une et l’autre à implémenter des projets culturels radicalement sociaux, nous présenteront leurs actions à Bruxelles et à Genève.
En participant à ce séminaire, les auditeurs.trices et invité.e.s autorisent Metrolab.Brussels et le LASUR (EPFL) à utiliser les photos et vidéos issues des séances, sur lesquelles ils.elles pourraient apparaître.
PROGRAMME DU CYCLE